AMINA N°540 - Avril 2015

1-Aichetou Mint Ahmedou, comment peut-on vous présenter ?

Je suis mauritanienne, originaire de Boutilimit (150 km à l’est de Nouakchott), scolarité bilingue (français et arabe). J’ai suivi une formation scientifique et je suis professeur de sciences naturelles, maintenant directrice des études dans un lycée de Nouakchott J’adore lire et écrire et je le fais depuis que je sais le faire j’ai commencé très tôt à écrire de la poésie et des articles Puis, à l’âge adulte, j’ai écrit articles, poèmes, nouvelles, pour la presse indépendante de mon pays Des contes aussi, pour petits et grands enfants Et enfin, début des années 90, j’ai écrit La Couleur du vent A l’origine, c’était pour assouvir ma passion de l’écriture, mais sous les pression des proches, j’ai décidé de le publier Après un véritable parcours du combattant, je viens de l’éditer chez un éditeur naissant de la place et il n’est malheureusement disponible que chez lui, la distribution n’ayant pas encore élu domicile chez nous

2 - Mint Ahmedou, la jeune fille qui voudrait devenir mécanicienne, est finalement devenue une plume réputée et respectée, êtes-vous fière professionnellement de vous ?

Oui, je suis très fière d’avoir réussi à écrire quelque chose que les autres aiment. Je n’arrive pas à y croire parfois, comme si je vivais un rêve. Je suis heureuse aussi d’avoir enfin réussi à le publier alors que j’avais commencé à baisser les bras de découragement, mais je n’ai jamais oublié mon rêve d’être mécanicienne, j’y repense quelquefois avec beaucoup de nostalgie pour la mécanique et pour cette jeune fille-là

3 - Comment êtes-vous passée de la craie du professeur à la plume d’écrivaine ?

Je dirais plutôt comment suis-je passée de la plume d’écrivaine à la craie du professeur hhhh parce que j’ai été écrivaine, même si je ne le faisais que pour moi-même, avant d’être professeur J’ai étudié pour être professeur parce que je voulais faire des études supérieures tout en restant dans mon pays J’étais trop jeune et trop fragile pour affronter les aléas de la vie à l’étranger et je revenais d’études en médecine à Dakar (j’habitais avec des cousines) que j’avais ratées dès la deuxième année de médecine parce que je ne sais pas réciter et en deuxième année il n’y a plus de mathématiques ni de physique, comme c’est le cas en première année

4-Dans votre tout premier roman "La Couleur du Vent", vous abordez le thème de l’amour sur fond de société tiraillée entre modernité et tradition, tel est le regard que vous portez sur la société mauritanienne ?

Je crois aussi que c’est le regard qu’on devrait porter sur toutes les sociétés africaines, parce que quelque part, toutes les femmes africaines sont des Taala ...

5-Comment votre livre a-t-il été accueilli par le public et les critiques ?

Ils sont tous élogieux et enthousiastes, que du bonheur. Mais il faut noter aussi que chez nous l’éloge est partie intrinsèque du comportement en général, c’est aussi pour cela peut-être ou en partie en tout cas

6-La Mauritanie de demain, vous la voyez comment ?

Propre, paisible, prospère et réconciliée Il y a beaucoup de travail à faire dans ce pays, parce que la population est bédouine dans le sang et a besoin d’être éduquée civiquement pour que l’intérêt général prime l’intérêt particulier et pour qu’il y ait un véritable dialogue entre les différentes communautés qui souffrent d’un manque de communication et de connaissance de l’autre, mais la femme se porte bien, je ne m’inquiète pas pour elle

7-Quels genres de difficultés se dressent devant les écrivains mauritaniens en particulier et africains en général ?

Tous les problèmes techniques inhérents à l’édition, la distribution, la promotion inexistantes Moi, par exemple, j’ai ’’galéré’’ (excusez le terme) avant de publier mon livre. Et il n’a pas été l’objet de distribution ni de promotion. C’est moi qui m’en occupe de façon artisanale, essentiellement sur facebook, en ce qui concerne la promotion, pour que les autres apprennent qu’il a été publié et sachent où se le procurer, donc promotion très limitée. La distribution, n’en parlons même pas. Ceux qui sont à l’étranger m’ont demandé s’il était disponible en France, je leur ai répondu qu’il n’était disponible qu’à Nouakchott. Mon éditeur ne dispose pas des moyens nécessaires pour la distribution. C’est déjà une énorme chance pour nous qu’il existe et puisse publier nos écrits à Nouakchott au moins Je dois ajouter aussi que personnellement je me censure car notre société est très traditionnelle et donc plutôt critique en ce qui concerne les écrits féminins

8- Avez-vous d’autres manuscrits dans votre tiroir ?

Les problèmes que j’ai dû affronter pour publier le premier ne m’encouragent pas à en écrire un autre Pourtant, je l’ai écrit de façon telle qu’il peut avoir une suite, D’un autre côté, je ne peux pas écrire dans n’importe quelles conditions et les les circonstances actuelles de ma vie ne se prêtent pas beaucoup à l’écriture Je ne recherche pas la retraite dorée des écrivains américains hhhh mais quand on a un travail accaparant, des enfants à éduquer et à instruire, une maison à tenir, je ne vois pas très bien comment on aura du temps ou de l’énergie à consacrer à l’écriture Maintenant, j’écris plutôt de la poésie, des humeurs et je m’occupe de traduire (ma nouvelle passion) la poésie hassaniya et arabe vers le français. J’essaie de transformer un poème arabe ou hassiniya en un poème français, avec rimes, musicalité en plus du sens, pour ne pas perdre en cours de traduction l’âme et l’esprit poétique du poème original


  
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2023-11-19 20:27:02
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